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EMMANUEL FANDRE

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par Franck Courtès, écrivain

"Avec un peintre qui tente de vous expliquer son œuvre, feignez toujours l’ignorance au moment des références. Attention toutefois à ne pas passer pour un imbécile : faites exception de Picasso, de Brancusi ou de Modigliani. Pour le reste prétendez que vous n’y connaissez rien. En face d’un artiste qui vous toisera avec mépris de la tête aux pieds, achetez vite ses toiles et fuyez l’homme, vous le retrouverez sans doute dans peu de temps à l’international. En revanche si l’artiste prend le gouffre de votre ignorance pour un merveilleux horizon, si son regard s’allume, s’il vous montre du doigt un contour, un éclat de lumière, s’il vous le fait comprendre et sentir, si les modes et les astuces picturales s’évanouissent, si montent à ses lèvres les mots vrais, l’intention rupestre, ces collègues d’avant l’invention des dimanches ou des entrées payantes, si vous en concluez que peindre est à la fois simple et impossible, alors bénissez la rencontre !  L’étrange noirceur des tableaux d’Emmanuel Fandre ne serait d’après lui que la conséquence d’une paresse à nettoyer ses rouleaux. Le motif s’assombrissant au fur et à mesure que la toile s’accomplit et que les pigments se mélangent sur la mousse du rouleau. Un geste anodin comme celui de ne pas laver son outil invente alors un sens, une matière cohérente, et permet de tracer cette relation mystique entre la chair et la terre, entre l’esprit et la matière.  

 

Emmanuel Fandre peint cet espace inconnu mais deviné, ce mariage du corps humain et de la terre, où la vie et la mort cohabitent en harmonie. L’une permet l’autre, dans l’éphémère étreinte d’un amour éternel. Il peint le lien unissant l’homme à sa terre origine. Emmanuel Fandre trouve sans avoir cherché, se laisse guider par un sens esthétique rigoureux. Et ce sont des dizaines d’échecs parfois avant que ses yeux reconnaissent la vérité de la forme, de la lumière, de la matière. C’est sans plan, sans carte d’état major que le peintre explore de son rouleau tantôt frotté, tantôt libéré, en des contours sûrs, une calligraphie cachée comme autant de messages restitués sur la toile. S’il est aisé d’aimer l’Homme car il nous ressemble, que devient l’amour quand l’Homme disparait sous les couches de terres pour se fondre bientôt dans la roche ? Peut-on aimer la pierre ? Jusqu’où va l’amour ? C’est à un voyage vers ces nouvelles rives amoureuses que nous conduit Emmanuel Fandre. Des peintures rupestres, il a gardé l’empreinte symbolique, où le rituel mystique côtoie l’amour universel.  

 

Emmanuel Fandre nous livre une série de corps en résonance spirituelle avec l’origine de l’humanité. Son art de peindre comme de vivre est fait de spontanéité, d’instinct. Il est un homme du premier jet, d’un accompagnement du geste jusqu’à l’obtention d’un résultat satisfaisant. Il ne revient pas en arrière, ne regrette pas, ne dissèque pas.  

 

Fandre est un artiste et un homme élagué, empreint d’une sagesse qu’on pourrait confondre avec de la nonchalance. Peu d’artistes nous convient comme lui à la fête de son exigence."

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